La colère et l’espérance

 


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André Laude est un poète et journaliste français. Journaliste au Monde, aux Nouvelles littéraires, et dans bien d’autres journaux, né à Paris le 3 mars 1936, il passera sa vie en révolte et mourra le 24 juin 1995 durant le 13ème marché de la poésie à Paris, pauvre et malade.

Il passa sa vie entre voyages, écriture, poésie et combat militant. L’engagement poétique de Laude c’est la volonté de bouleverser l’ordre établi. Ordre social et ordre culturel.  Il se revendiquera toujours comme un poète révolutionnaire qui prône le désordre contre l’aliénation et l’exploitation. Par là il redonne à la poésie engagée ses lettres de noblesse.

Des mots pour tout dire. Dire l’amitié. Dire la ville, particulièrement celles de certains quartiers de Paris. Dire la mémoire qui pour lui se référait à l’Occitanie et à la Bretagne, civilisations dont il s’est toujours réclamé parlant de quête et de civilisations natales pour lui. Dire aussi le monde hispanique qui fut toujours très important dans son univers.

De cette vie en rupture, modeste et souvent pauvre, il fera une arme de révolte. Sa poésie claquera toujours dans son soulèvement gorgé de vie brûlante. Elle sera son incandescence, sa présence au monde. Il fut l'ami de tous les pauvres, il croyait en l’homme, aux lumières de la fraternité..

De tous les combats, de tous les peuples, il ne voulait parler que la langue de l’espérance. Il croyait en la responsabilité des mots et des poèmes. Contre la « réalité d’opérette », il tambourinait à poings nus contre la fatalité du désespoir. Il comblait ses famines par le pain partagé entre tous.

Homme en guerre, il ne pouvait ni vivre à genoux, ni écrire autre chose que le simple et l’essentiel. « Liberté couleur d’homme » dit l’un de ses livres, il s’agit bien de cela. Et pour lui la poésie était une arme et non un jeu de hasard :

" plus jamais je n'aimerai la poésie poétique

tant qu'il y aura une lumière incarcérée

tant qu'il y aura un nouveau-né affamé

déjà rattrapé par les canines du néant…" (Vers le matin des cerises)

Rf/Wikipedia - Gil Pressnitzer

 

" Plus que jamais la poésie est urgente. Vitale comme le pain et le vin. Nécessaire comme la pluie et le soleil, les néons et les nuits polaires...

À l'heure où s'effondre définitivement le rêve révolutionnaire d'octobre 17, à l'heure où l'abjecte massification, l'uniformisation dans le pire médiocre s'accélèrent, à l'heure où en dépit de certaines apparences, la « liberté » de l'individu - fondement incontournable de toute civilisation - rétrécit, à l'heure où les politiques s'épuisent, où les tyranneaux prolifèrent, où les nationalismes, les intégrismes se réveillent, où la pauvreté enflamme les têtes autant que les slogans stupides et simplistes, la poésie est, d'abord et avant tout, une « arme miraculeuse » (Aimé Césaire) pour la résistance,totale, irrécupérable, sur tous les fronts...

Résistance contre ce qui endeuille l'être, souille, mutile, brise, l'élan de l'individu vers le « Champ des possibles », l'immense continent de la Vie encore inconnu, qui attend son Christophe Colomb.

La poésie ne relève pas des dogmes établis. Elle est cet outil pour l'homme qui lui permet de prendre la mesure de sa non-finitude, de sa majesté et de son mystère émouvant et inépuisable. Elle est le vent qui le pousse dans le dos dans sa marche à l'étoile, l'éclair qui l'arrache à l'humus pour le projeter à hauteur d'astres de plomb et de feu.

La poésie est ce dont l'homme - même s'il l'ignore ou feint de l'ignorer - a le plus besoin pour tracer au flanc du monde la cicatrice de sa dignité...

Si j'écris c'est pour que ma voix où roulent souvent des torrents de blessures s'enracine dans vos paumes vivantes...

Si j'écris c'est pour que ma voix d'un bond d'amour atteigne les visages détruits par la longue peine, le sel de la fatigue..."

 

André Laude