Ma vie commence neuve chaque matin

 

J32 - Cinquième dimanche - Commencez toujours !

 

Lettre d’Edith Stein

« Ma vie commence neuve chaque matin. »

Lettre du 12 février 1928 à sœur Callista Kopf  (Corresp. I, p. 369-371)

 

Contexte : La destinataire Elisabeth Kopf (1902-1970) fut préparée au baccalauréat par Edith Stein. Elle reçut le nom de sœur Calliste comme dominicaine en 1927. Edith Stein se réjouissait de « désormais fêter nos saints patrons l’une avec l’autre. » (Lettre du 12 octobre 1927) Edith (devenue Thérèse Hedwige depuis son baptême) fête Thérèse le 15 octobre. Saint Calliste est fêté le 14 octobre. Sœur Calliste était alors étudiante à Munich, avec deux autres jeunes dominicaines de celles qu’Edith aimait à appeler « mes grandes filles » puisqu’elle avait contribué à leur formation comme enseignante à Spire.

 « Je voudrais répondre à vos questions les plus importantes. Naturellement, la religion n’est pas à vivre dans  un petit coin tranquille, durant quelques heures, pour les grandes fêtes, mais elle doit, comme vous le ressentez vous-même, être racine et fondement de toute la vie, et ce pas seulement pour quelques élus mais pour tout chrétien véritable (assurément, il n’y en a toujours qu’un « petit troupeau »). C’est au contact de saint Thomas [d’Aquin] que j’ai vraiment compris qu’il est possible de pratiquer la science comme un service de Dieu. (…)

Et ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai pu me décider à reprendre sérieusement un travail scientifique. A l’époque qui précéda immédiatement ma conversion, et durant toute une période ensuite, j’ai pensé que vivre la religion signifiait faire abstraction de tout ce qui est terrestre pour ne vivre qu’en pensant aux choses de Dieu. Mais j’ai progressivement compris qu’il nous est demandé autre chose en ce monde et que, même dans la vie la plus contemplative, on n’a pas la droit de couper la relation avec le monde ; je crois même que plus on est attiré profondément en Dieu et plus il faut aussi, en ce sens, « sortir de soi », c’est-à-dire aller vers le monde pour y porter la vie divine.

Il importe simplement d’avoir dans les faits un coin tranquille où l’on puisse converser avec Dieu comme si absolument rien d’autre n’existait, et cela chaque jour : les heures matinales me semblent convenir pour cela, avant que le travail quotidien ne commence ; d’autant plus que l’on reçoit là sa mission particulière, au mieux aussi jour après jour, et que l’on ne choisit rien de soi-même, enfin que l’on se considère purement et simplement comme un instrument, et spécialement les facultés avec lesquelles on doit particulièrement travailler, à savoir, dans notre cas, l’entendement que nous considérons non pas comme ce que nous manions, mais ce que Dieu manie en nous. Vous avez là ma méthode… Ma vie commence neuve chaque matin et s’achève chaque soir ; nous ne devons pas faire de plans et de projets au-delà ; c’est-à-dire que cela peut naturellement faire partie de notre travail quotidien de prévoir − un enseignement par exemple serait sinon impossible − mais cela ne doit jamais devenir un « souci » pour le jour suivant. Vous comprendrez ainsi que je ne peux accepter que vous disiez que je  suis « devenue quelqu’un ». Il semble que la sphère de ma tâche se soit étendue [Edith commence à cette époque son activité de conférencière]. Mais cela ne change rien à ce que je suis, selon moi. »

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