Lettre à une amie

 

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Fredo Krumnow, militant ouvrier, atteint d’un cancer, écrit à une amie en janvier 1974. il est en plein cœur de sa maladie. Il mourra quatre mois plus tard. Avec une sérénité poignante, il dit à la fois sa lutte, son goût de la vie et, en grande humilité, son acceptation de la mort. Il nous apprend qu’il faut vivre et mourir dans l’aujourd’hui de Dieu...

" Pour ma part, j’engage cette nouvelle année dans la foi et dans la joie. Cette période de maladie est pour moi un temps de grâce. Elle me fait vivre en plus grande harmonie avec moi-même et le Dieu en qui je crois et d’une façon plus intense que jamais. Bien sûr, ces derniers neuf mois ont été durs. Il n’y a pas de maladie sans souffrance et il faut la porter avec patience. Il n’y a pas de lutte sans difficultés et celle que je mène contre la maladie n’est pas facile. Mais comme toute lutte, elle est exaltante. (…)

La mort ne m’inquiète plus. Si elle vient, ce sera la volonté de Dieu et mon passage de ce monde à l’autre état hors du temps et de l’espace n’a pas plus d’importance que celui de tout homme et de toute femme qui passe dans l’au-delà, qu’il s’agisse du Vietnamien tué par une guerre insensée, du Chilien fusillé, de l’enfant du Sahel qui meurt de faim, des trente et un morts massacrés sur l’aérodrome de Rome, du copain ou de l’inconnu qui meurt sur la route ou de celui ou celle qui trépasse dans son lit.

Je vis déjà dans la main toute-puissante, la main amoureuse de Dieu. Cela me met beaucoup de paix dans le cœur et l’esprit. Je vis chaque jour qui vient comme un merveilleux don de Dieu et cela remplit intensément ma vie que d’apprécier à sa vraie valeur un rayon de soleil, de goûter pleinement une pomme de terre en robe de chambre, de découvrir admiratif toutes les richesses de la vie. Et cela est merveilleux…"

extrait du site "lemoineruminant.wordpress.com"

(Lettre à une amie, janvier 1974)
Source : Célébrer la mort et les funérailles, Desclée, 1980.